(depuis un article de Sylvie Peres-Lugassy, « La Provence »)
Les audits technique et financier du site ont été présentés en conseil communautaire
Photo R.C.
Son nom n’aura été prononcé qu’une seule fois au cours des débats. Une seule, par le président de l’Agglo, Michel Tonon: ce nom c’est celui d’Alexandre Guérini.
La décharge de La Fare-les-Oliviers, dite de la Vautubière est gérée par la SMA, une société appartenant au frère du président du Conseil général. La SMA fait partie des structures d’enfouissement des déchets dans les Bouches-du-Rhône qui sont l’objet d’une enquête lancée il y a deux ans dans le cadre de ce qu’on appelle désormais « l’affaire Guérini ».
Elle a vu les gendarmes de la cellule « Déchets 13 » perquisitionner à plusieurs reprises les sociétés d’Alexandre Guérini, ainsi que des collectivités, dont le Conseil général, présidé par son frère.
C’est dans ce cadre qu’un des responsables de l’Agglo de Salon avait été entendu trois fois, afin d’éclairer les enquêteurs. L’enquête s’intéresserait alors particulièrement aux différents épisodes qui ont conduit à la prise de contrôle par la SMAV de la décharge de la Vautubière.
Elle était jusqu’alors gérée par la Somedis, une société appartenant pour partie à Veolia. La décharge est la propriété de l’Agglo, elle est exploitée par la SMAV, qui a remporté cette délégation de service de service public en 2005.
Étape de contrôle
C’est donc dans une ambiance relativement tendue que se tenait la réunion du conseil communautaire d’Agglopole Provence durant lequel étaient présentés les audits technique et financier relatifs à la délégation de service public du centre de stockage des déchets de la Vautubière.
S’attendait-on à des révélations plus ou moins puantes pour la communauté de communes? Il n’en fut rien ou si peu même si de par le ton de conduite des débats, de par le peu de réactivité de la salle, il était clair que tout en jouant la transparence parfaite, l’on souhaitait éviter de remuer une quelconque eau trouble s’il en fut.
De quoi s’agissait-il? Dans le cadre de la révision quinquennale de la délégation de service public relative au traitement par enfouissement des déchets ménagers et assimilés sur le centre de stockage des déchets de la Vautubière, deux audits ont été menés (avec accompagnement juridique).
SMA s’est vue confier en 2005 par Agglopole Provence, après une procédure de mise en concurrence, une DSP (délégation de service public) pour l’exploitation du centre d’enfouissement pour une durée de 16,5 années (assorties de 30 ans de suivi post-exploitation c’est-à-dire une fois que le site sera plein).
« Les élus ont décidé de réaliser un point d’étape de contrôle et ont donc commandé fin 2010 deux audits sur les cinq premières années d’exploitation du site » expliquait le président d’Agglopole.
« Ces études viennent en complément du travail régulier de contrôle et de suivi effectué par la communauté d’Agglo » Il faut dire qu’entre l’Agglo et son délégataire, il y a déjà eu des moments de tension.
Un bras de fer portant sur un important litige financier s’était en effet engagé en février 2010, entre la société gérée par Alexandre Guérini et l’Agglo. Le différend portait sur les quantités de déchets accueillis à La Fare par la SMAV.
En 2007, alors que le plafond maximum était de 160000 tonnes par an, elle en a traité 9000 de plus. D’où une pénalité réclamée par l’Agglo de Salon. L’audit financier révélera en effet que la SMAV avait déjà procédé de la sorte en 2007, 2009.
« Dans le même cadre, nous nous sommes fermement opposés à une demande du délégataire visant à relever l’autorisation préfectorale d’enfouir de 160 000 à 190 000 t/an. Une telle demande avait été introduite par SMA en Préfecture sans l’accord d’Agglopole Provence.
Notre prise de position tant vis-à-vis de SMA que de Monsieur le Préfet a conduit SMA à retirer sa demande. » La SMAV assurait en effet que l’arrêté préfectoral qui encadre le fonctionnement de la décharge « permet également un stockage transitoire de 30000 tonnes supplémentaires« .
Des dépassements lucratifs
L’audit financier pointera justement du doigt les dépassements successifs de tonnage de déchets enfouis sur le site. Le rapport révèle en effet, que de 2006 à 2010, l’Agglo a généré moins de tonnage que prévu, tonnage qui ont été compensé par des apports extérieurs.
Sauf que sur cette même période, la quantité déchets enfouis excède de plus de 26% le prévisionnel. La société délégataire a dépassé par trois fois la limite fixée par arrêté préfectoral.
Enfouir plus surtout si les déchets viennent de l’extérieur de la zone contractualisée par la DSP s’avère cependant très juteux. Pour les déchets provenant de la communauté d’agglo et des collectivités voisines choisies, les prix sont en effet fixés par convention (soit 20€ ht/tonne) mais pour les déchets provenant de clients extérieurs les prix sont négociés directement par le délégataire, la SMAV: un prix trois fois plus élevé en moyenne.
Les clients extérieurs paient au final un prix 50 à 90% supérieur au coût de revient. Il en ressort le paradoxe suivant qui est que plus le délégataire enfouit plus cela est rentable par l’Agglo.
Sauf que comme l’a dit et répété Michel Tonon: « L’intérêt d’Agglopole ce n’est pas de faire de l’argent mais de préserver le plus longtemps possible cette zone de déchets. » L’avenant quinquennal qui va résulter de ces audits aura pour vertu principale de clarifier tout cela contractuellement.
Dépassement de 30% des quantités contractuelles, import de milliers de tonnes provenant d’autres départements, enrichissement gràce à ces « débordements », non respect des contrats… et au bout du compte le Conseil Communautaire exprime son satisfecit global pour la Vautubière… C’est un peu effarant, non? D’autant que dans le Conseil Communautaire, certains Vice-Présidents ne sont même pas PS. D’accord, une nouvelle mise en examen vient d’être annoncée, mais, quand même, dans les Bouches du Rhône, le clientélisme a l’air d’être efficace.