Bien sûr, nous avons tous été très choqués par les évènements tragiques de 2015. Bien sûr, nous avons pu en tirer une haine de leurs auteurs et un désir viscéral et sanguin de les éliminer de notre environnement.
Le fait est que les terroristes sont sauf exception enfants ou petits enfants d’immigrés du Maghreb, et que l’origine de leur famille leur a permis d’acquérir une double nationalité qui leur est régulièrement contestée par la droite extrème. Une double nationalité qui , on l’oublie souvent, provient de la colonisation de Napoleon III puis de la décolonisation des années 1950 qui a refusé aux ressortissants colonisés la nationalité française.
On s’est ému de l’expression de cette double nationalité lorsque les jeunes des quartiers ont arboré un drapeau Algérien lors des matches de football opposant la France à l’Algérie et ont sifflé la Marseillaise. Il ne fallait pas s’y méprendre: ils prenaient ainsi parti pour David contre le Goliath français, mais notre classe politique, décidément très irréfléchie, n’a pas entendu le message: beaucoup de jeunes des quartiers se reconnaissent dans un pays anciennement opprimé par une France particulièrement ingrate, qui a parqué les hommes qui l’ont libérée en 1945 dans des camps infâmes, comme elle l’a fait en 36 avec les républicains Espagnols, puis à nouveau avec les Harkis en 62. Il y a là une solidarité naturelle avec l’histoire de leurs ainés, une nouvelle lutte des classes totalement ignorée. Ainsi, encore aujourd’hui, on emploie des immigrés, mais au black, ce qui les déclasse fatalement: les femmes d’immigrés paient aux caisses des supermarchés en liquide, c’est caractéristique de leur sous-condition sociale. Autant de stigmates pour des jeunes, pour des enfants; ils ne sont pas du même monde.
Comme suite aux attentats et à une peur populaire savamment entretenue (« les français sont des veaux », disait de Gaulle), un Président cynique, dont les conseillers sont les anciens conseillers de Sarkozy (!), élabore sans aucune retenue morale toutes les combines possibles pour se dégager la route en 2017. Et, on nous sort le coup de la « déchéance de nationalité » que même la droite extrème n’avait osé fourbir.
Or, comme on le sait, la déchéance de nationalité ne peut générer des apatrides, elle vise donc les binationaux: pas les franco-anglais ou les franco-américains, mais, il faut bien le reconnaître, nos bi-nationaux issus de la colonisation. Ce Président « de gauche » plonge dans les pires parjures, que la droite de Goasguen ou de Sarkozy s’était vu retoqués par l’UMP! Il serait extraordinaire que cette tentative soit repoussée par la droite (on peut rêver!).
Ah, il est habile le bougre et sans scrupule; mais, attaché à ses propres calculs, il stigmatise une population qui n’avait pas besoin de ça, et, allusion après allusion, il identifie la religion musulmane à ses bannissements. Les médias s’en donnent aussi à coeur joie: un attentat à Jérusalem? Un « arabo-israelien »! Une attaque d’un commissariat du 18e à Paris? Un « arabo-français »! (qui, d’ailleurs est venu se « faire suicider » car il n’avait aucune arme réelle).
Que peuvent penser les familles des quartiers qui, de génération en génération, cherchent à se faire accepter par les « Français de souche », à s’intégrer dans la société, dans la république? Nous devons penser à ces familles cataloguées « arabes » qui sont encore touchées par cette nouvelle exclusion, par une simple instrumentalisation de calculs sordides d’un Président incapable de donner un projet à la France.
Notre démocratie née des lumières est généreuse et ouverte. Il faut absolument rejeter ce qui choque notre morale citoyenne. Montrer que nous ne sommes pas des veaux. Parlons d' »Indignité Nationale » comme à la libération, et incluons dans ce crime contre l’état tous les ennemis de notre république; je pense à ce ministre qui a proféré un parjure indigne devant l’Assemblée Nationale en jurant sur nos institutions qu’il n’avait pas ses comptes en Suisse. Mais la liste serait longue de ceux qui trahissent nos valeurs et notre éthique…
« Indignez vous », disait Stéphane Essel.